Ces dernières décennies, la production matérielle des sociétés humaines a été gigantesque, on peut même dire monstrueuse. Nous fabriquons trop d’objets qui deviennent plus ou moins rapidement des déchets. Il est temps de ralentir la production, de quitter la tyrannie de la nouveauté et de redonner leurs valeurs aux vieux objets.

Dans son livre Sans Valeur(2024, Bayard, collection “littérature intérieure”), l’autrice Gaëlle Obiégly rappelle l’histoire de Nelson Molina. A partir de 1981 et pendant ses 34 années de carrière au sein du Département de l’assainissement de New York (DSNY), Molina a récolté plus de 40·000 objets issus de poubelles aidé par ses collègues. Cette collection connue sous le nom Treasures in the Trash est aujourd’hui hébergée dans un garage du service d’assainissement en fonctionnement situé à Manhattan.

Le deuxième étage du garage, trop fragile pour supporter des véhicules, est devenu une sorte de galerie. Elle abrite des centaines de peintures, de photographies, d’affiches, de cahiers, d’objets sortis du caniveau. Chacun est soigneusement encadré, accroché aux murs. L‘ensemble des pièces accrochées est très varié. Leur point commun, c’est leur provenance. Chaque pièce de la collection a été sauvée des déchets ménagers par les éboueurs de la ville de New York au fil de leurs itinéraires quotidiens”. Gaëlle Obiégly, Sans Valeur

Nelson Molina, aujourd’hui retraité, souhaite que sa collection devienne un véritable musée dans un beau bâtiment accessible aux publics (actuellement la collection n’est visible que lors visites spéciales). Partenaire officiel du DSNY pour nettoyer la ville et réduire la quantité de déchets envoyés en décharge, la Sanitation Foundation soutient depuis plusieurs années le projet de Molina. En 2019, HELLER Films a collaboré avec la Fondation pour produire uncourt-métragequi suit l’éboueur-currateur lors de son dernier jour de travail. Ce court-métrage sensible montre comment Molina trouve avec flair des objets dans les poubelles et le suit ensuite pendant qu’il présente avec enthousiasme sa collection.

Grâce à ses efforts inlassables pour sauver, réparer et organiser ces objets mis au rebut, Molina nous rappelle qu’il y a des alternatives au gaspillage. Il nous donne l’occasion de faire une pause et de considérer nos propres habitudes de consommation. La vaste gamme d’éléments [de la collection] est un rappel visuel étonnant de ce que nous valorisons - ou ne valorisons pas - et de l’échelle de ce que nous jetons. Un observateur attentif peut également voir partout se tisser des récits plus petits, nous racontant des histoires de Harlem, de la vie de Nelson, et de la ville de New York elle-même.Sanitation Foundation


{ Article publié dans le n°153 de l’infolettre Muzeodrome - le 20 mai 2025 }