/ Entretien avec Sabine Pasdelou (Historienne de l’Art et créatrice de contenus) /
J’ai rencontré par la première fois Sabine Pasdelou, en juin 2012, lors d’un événement organisé par Sévres-Cité de la Céramique (pour qui je travaillais régulièrement à l’époque). Le 24 novembre 2024, j’ai eu le plaisir de co-animer avec elle un atelier intitulé “Comment communiquer autrement ?” lors de la journée d’étude “Valorisation des collections muséales en ligne : enjeux et outils de communication“, organisée au Musée départemental Breton de Quimper (29) par le réseau Bretagne Musées. Historienne de l’art de formation, Sabine Pasdelou a soutenu une thèse de doctorat qui portait sur la réception des arts asiatiques dans le domaine des arts de la table en France aux 19e-20e siècles.
Sabine, peux-tu nous parler un peu de ta thèse et ce que tu as fait ensuite ?
Ma thèse m’a permis de travailler sur le japonisme, l’asiatisme plus globalement, et sur la manière dont les industries se sont intéressées sur la production de produits de demi-luxe dans le cadre de l’épanouissement de la nouvelle classe moyenne.
Comme mon sujet traitait de la construction de la valeur d’un produit, sa distribution commerciale et l’importance du storytelling de la part des industriels, j’ai ensuite été contactée par des Business schools et des écoles spécialisées dans le luxe pour y donner cours.
L’année de ma soutenance de thèse, en 2018, j’ai créé une agence de communication numérique avec mon mari : Les Forges du Web. Aussi en 2018, j’ai commencé à créer des vidéos pour YouTube (des vidéos de conseils pour les diplômés ou sur l’histoire de l’art). En février 2020, j’ai lancé une plateforme de cours vidéo en histoire de l’art et du luxe : Au Bonheur des Arts.
Puis la crise sanitaire de 2020 est arrivée…
Pendant la crise, je devais donner les cours en visio. Ce qui a été très pénible car je sentais l’absence totale d’interaction avec les étudiants. Ayant face à moi une mosaïque de carrés noirs et ma voix pour seule compagne, je me suis dit qu’il était temps soit d’arrêter l’enseignement, soit de faire autre chose. Aimant les jeux vidéo, je voyais le potentiel de Twitch et la diversification de ses contenus. Aussi, je me suis dit : pourquoi pas moi ? J’ai commencé à utiliser la plateforme pour transmettre autrement. Je me plais plus dans le live que dans la vidéo scénarisée, notamment parce que cela implique de l’improvisation et des compétences en prise de parole.
Lors de tes directs en ligne (live), tu proposes des activités variées : interviews d’artistes et de professionnels - visites de lieux culturels et d’expositions virtuelles - quiz culturels et historiques - créations de contenus…
Je ne voulais pas m’adresser uniquement à des personnes convaincues, je voulais montrer que la culture et l’histoire de l’art ne sont pas des disciplines élitistes et ennuyeuses. Mon but est de susciter la curiosité et de montrer une image plus décomplexée de ce monde. Ainsi je fais des parties de jeux vidéo en ligne, déjà car cela me plaît en tant que joueuse. Cela me permet aussi une approche plus relationnelle afin de convaincre de me suivre sur d’autres lives, eux axés culture. Lors de ces lives culture je fais aussi participer au maximum le public : rédaction de contenu Wikipédia, création de contenus, création d’exposition virtuelle ou de jeu vidéo (avec l’outil RPG Maker qui permet de créer un jeu sans connaissance approfondie du code).
Quels sont les retours de ta communauté ?
Les retours de ma communauté sont globalement encourageants. J’ai été notamment frappée de savoir que certains membres de ma communauté étaient en situation de handicap. Sur Twitch, il est d’usage de parler avec les spectateurs. Les personnes en situation de handicap me confient ainsi leur frustration sur les retards en équipement des musées pour leur permettre d’accéder aux salles.
J’ai aussi un public venant de l’univers gaming peu habitué à se rendre en musée. Certains ont eu des coups de cœur pour certains artistes et franchissent enfin les salles de musée, ce qui est toujours émouvant pour moi .
Pour finir cet entretien, peux-tu nous parler de ce que tu appelles les UGCC ?
Les UGCC sont les User Generated Cultural Content, c’est-à-dire des contenus culturels générés par les utilisateurs. L’idée de ce terme est de faire réfléchir à l’envie du public de ne plus être un simple receveur passif des connaissances mais un acteur. Les actions des passeurs de savoir comme Fred et Jamy, le développement de l’accès à l’information via Internet et les actions de médiation dans la culture ont modifié notre rapport à la connaissance. Nous voulons FAIRE, de plus en plus. Le côté descendant de la connaissance n’est plus accepté par les différentes générations. L’apport doit être co-construit de manière horizontale, en acceptant le fait que tout le monde apporte sa pierre à l’édifice.
{ Entretien publié dans le n°151 de l’infolettre Muzeodrome - le 30 novembre 2024 }