Avertissement : en lisant cette notule, votre regard critique sur les statistiques des sites Web risque de changer !

Pendant les confinements alors que nous étions bloqué chez nous, le réseau Internet nous permettait de maintenir les contacts et de continuer d’explorer le monde.

”Globalement, les statistiques montrent que les sites Internet d’institutions culturelles ont connu des records de fréquentation pendant cette période. La presse s’est fait l’écho des 8,4 millions de visites sur le site Internet du Louvre entre le 12 mars et le 21 avril [2020].”
Extrait du numéro 40 de la lettre d’information du bureau de la diffusion numérique des collections (Service des musées de France, Direction générale des patrimoines, Ministère de la Culture)

Depuis plus de quinze ans, j’assiste et participe régulièrement à des conférences consacrées aux musées en ligne. Dans les diapositives présentées par les intervenantes et intervenants, il n’est pas rare de voir afficher une quantité mensuelle ou annuelle de visiteurs en ligne.

Mais tous ces visiteurs sont-ils humains ? Drôle de question me direz-vous. En fait, elle n’est pas vraiment drôle, elle interroge pour quels “publics” les musées produisent aujourd’hui des contenus en ligne : des hommes ou des machines ?

  • les “gentils” (Good Bots) → par exemple ceux des moteurs de recherches qui indexent les sites de la grande toile mondiale (il y aurait aujourd’hui environ deux milliards de sites Web dans le monde et certains musées présentent plusieurs dizaines ou centaines de milliers de pages dans leur portail de collections). Cette indexation permettant ensuite à un internaute de trouver assez facilement ce qu’il cherche parmi des milliards de pages.

  • les “méchant”s (Bad Bots)→ par exemple ceux qui cherchent des données pour les vendre/louer dans le dark web ou d’autres qui cherchent des failles pour pirater les sites qu’ils visitent (le nombre de cyberattaques ne cessent d’ailleurs d’augmenter - par exemple pendant les JO 2024, le Grand Palais et 40 musées ont été victimes d’une attaque par rançongiciel).

  • les “agents-doubles” → par exemple ceux qui collectent des données nécessaires à l’apprentissage des IA génératives. Ou encore ceux qui sont spécifiquement conçus pour augmenter artificiellement le nombre de visiteurs d’un site Web en imitant des comportements humains (les Traffic bots). En passant, j’espère qu’aucun musée public ou privé ne fait appel à ces derniers.

L’intense trafic provoqué par ces bots entraine de fausses statistiques et une consommation du réseau beaucoup plus grande (en énergie, matériel et eau). Il est probable et déjà regrettable que le trafic des bots augmente encore dans les années à venir avec la grande disponibilité des IA génératives et des outils d’automatisation.


{ Article publié dans le n°151 de l’infolettre Muzeodrome - le 30 novembre 2024 }