/ Entretien avec Laure Pressac/

Depuis avril 2021, Laure Pressac est directrice de l’ingénierie culturelle chez Beaux Arts Consulting. En 2018, au Centre des monuments nationaux, alors qu’elle en était la directrice de la stratégie, de la prospective et du numérique, elle avait assuré le commissariat de « Sur les murs » un ensemble d’expositions sur les graffitis historiques (voir ce PDF). Elle avait aussi dirigé le catalogue de cet ensemble d’expositions.

Bonjour Laure, parmi tes différentes activités, tu es chercheuse indépendante autour des graffitis, peux-tu nous en dire plus ?

Les graffitis sont une pratique humaine universelle, qui remonte à des millénaires. Ils constituent un témoignage populaire essentiel pour saisir notre histoire commune. Les recenser, les préserver et les valoriser, c’est aussi s’assurer que l’histoire ne soit pas racontée uniquement du point de vue des « dominants », mais intègre des visions alternatives.

Quels sont les liens entre les graffitis et les lieux culturels ?

Les monuments historiques ont souvent été utilisé comme lieux d’enfermement : ils sont le réceptacle de pensées et de messages laissés par des prisonniers de passage. Par ailleurs, le graffiti est une pratique artistique, qui est désormais valorisée comme un sujet à part entière, à l’affiche de musées ou de lieux plus alternatifs.

Quelles recherches as-tu effectué depuis le projet « Sur les murs » ? Travailles-tu en ce moment sur d’autres expositions, sur un nouvel ouvrage ?

J’ai poursuivi les enquêtes de terrain, enrichi mon corpus et publié des analyses sur les graffitis du mouvement des gilets jaunes. J’interviens au sein du GRGA et j’enseigne sur ce sujet au CNAM.

J’ai également ouvert un pan plus contemporain de recherche, grâce à ma résidence à la Villa Albertine, qui m’a permis de documenter le sujet des graffitis comme reflet ou écho à des traumatismes collectifs que sont notamment les attentats. L’enquête m’a amenée de New York à Oklahoma City, en passant par Minneapolis, autour du mouvement Black Live Matters. Cette recherche nourrit le compte Instagram « What_remains_from ». Des publications sont en préparation sur ces sujets, et je présente un graffiti tous les jeudis sur mon compte Linkedin.

Selon toi, quel dispositif numérique ou lowtech permettrait de révéler la richesse des graffitis ?

La connaissance et la valorisation des graffitis sont le fruit d’un travail de fourmi, d’enquête, qui mobilise plusieurs univers de recherche, des épigraphistes aux experts maritimes. Le sens du collectif est essentiel pour avancer. Tout commence par avoir des images et recenser les graffitis. Un projet est en cours à partir des graffitis de la tour de Marmande pour constituer une bibliothèque participative de relevés de graffitis.

In situ, la lowtech est très adaptée : via de la lumière latérale ou un cadre apposé sur un mur, on met très simplement en vue le graffiti. Dans les tours de la prison de Lunel, par exemple, on vous équipe d’une lampe de poche. Regarder les graffitis, c’est surtout apprendre à observer ce qui nous entoure et se transformer en enquêteur curieux. Pas besoin de beaucoup de technicité pour cela !

Pour terminer notre entretien, aurais-tu une ou deux ressources complémentaires à recommander au lectrices et lecteurs de muzeodrome ?

La recherche en graffitis est mondiale et multiforme : pour découvrir les analyses de chercheurs du monde entier, je recommande « Understanding graffiti », de Troy Lovata et Elisabeth Olton. Et pour trouver de nouvelles sources, la librairie Le Grand Jeu, dans le 11e, a un fonds très riche.


{ Entretien publié dans le n°149 de l’infolettre Muzeodrome - le 5 octobre 2024 }