En cette année 2024, nous fêtons les 50 ans de la création du prototype de la carte à microcircuit, dite carte à puce. Suite à un don, le Musée national d’art moderne du Centre Pompidou (Paris) expose dans une de ses salles du 3 juin au 2 septembre une sélection d’inventions et de documents de Roland Moreno (1945-2012), le concepteur de la carte.
”Au Musée national d’art moderne, un tout nouvel accrochage rend hommage à cet inventeur iconoclaste et permet aux publics de se plonger dans son univers où se croisent technologie et poésie. C’est grâce à ses deux filles, Marianne Moreno et Julia de Rouvray, que certaines des plus emblématiques machines de Roland Moreno sont entrées au Musée national d’art moderne. Il s’agit d’un don important pour l’histoire de la création industrielle…”
Extrait de l’article intitulé “Le fabuleux destin de Roland Moreno, l’inventeur de la carte à puce” - un article écrit par Séverine Pierron pour le magazine web du Centre Pompidou.
L’année de ses 11 ans, la mère de Roland Moreno lui offre un kit d’initiation à l’électronique sous la forme d’un poste à galène à monter. A 18 ans, il dépose son premier brevet. Alors qu’il n’a que 23 ans et qu’il gagne sa vie en passant d’un métier à un autre, la télévision frappe à la porte de son appartement-laboratoire. Dans un reportage volontairement foutraque du duo Gérard Sire et Jean Yanne, il dévoile ses premières inventions: le «Pianok» (mini piano électronique à 8 notes)_, la «Matapof» (_machine électronique à tirer à pile ou face), le «Saute-allumette» (agitateur utilisant la membrane d’un haut parleur)… Des machines “ludiques, voire absurdes” qui “ouvrent une réflexion sur les notions de désordre, de hasard et d’entropie.” (source : Centre Pompidou). Dans ce reportage télévisé, il présente aussi un “oiseau électronique” :
“Il y a des gens qui aiment le chant des oiseaux et qui supportent pas les inconvénients des oiseaux […]. Alors j’ai inventé cet oiseau. Cet oiseau qui est très propre, qui est réglable […]. Enfin, cela a un avantage aussi, c’est que le bruit est toujours le même […]. Alors donc (si vous voulez) à terme cela devient un bruit familier qui s’inscrit dans le cadre domestique […].” Roland Moreno (1968)
Inspiré par la créativité du jeune homme, le cinéaste Claude Sautet reprend la tirade de l’oiseau électronique et la figure du “hobbyiste” (du geek) à la fois désinvolte et philosophe dans son film Les Choses de la vie (tourné en 1969).
En 1972, Roland Moreno co-fonde un atelier de créativité expérimentale et appliquée qui est ensuite transformé en une société destinée à « vendre des idées » Innovatron. En 1974, plus exactement le 9 mars, il dévoile le prototype de sa future grande invention : la carte à puce (voir la seconde notule de ce numéro). Ensuite, pendant toute sa vie, jusqu’à sa mort en avril 2012, il continue d’explorer son inventivité au travers de nombreux développements autour des cartes à puce (la télécarte fut un énorme succès) et d’autres créations plus ou moins sérieuses.
Les réalisations les plus industrielles de Roland Moreno comme la télécartes ont été portées par la “loi de Moore” (voir le n°145a de l’infolettre) et l’explosion du plastique jetable. Mais ce qu’il avait de vraiment remarquable chez lui, au delà de ses réussites et de ses échecs, c’était son coté bricoleur capable de fabriquer ou d’inventer quelque chose avec ce qu’il avait à portée de main (voir dans l’exposition au Centre Pompidou le microscope qu’il avait réalisé en 1984 à partir de pièces de Meccano).
Les deux ouvrages Théorie du bordel ambiant (publié en 1990) et sa suite permettent de mieux comprendre la façon particulière qu’avait Roland Moreno de voir et de jouer avec le monde. Hors du “chemin institutionnel de l’innovation tout tracé”, ses travaux et réflexions ont ouvert de nombreuses routes, parfois farfelues. Dans le “bordel ambiant“, certaines de ces routes doivent continuer à être explorées.
{ Article publié dans le n°147 de l’infolettre Muzeodrome - le 2 juillet 2024 }