En juillet 2022, dans le numéro 113 de l’infolettre, j’avais questionné Valentine Passemard (Rondelez) sur son projet Musair et son infolettre singulière.
J’ai souhaité prolonger cet entretien suite à la création d’un nouveau parcours Musair, qui résonne avec certains souvenirs de mes jeunes années (voir en fin de notule).
Valentine, peux-tu nous raconter le projet “Mémoires échouées” ?
Qu’a-t-il de particulier ?
Pour la première fois, j’ai écrit pour un patrimoine dont la disparition est en cours, sous nos yeux… Mémoires échouées est un récit sonore consacré au cimetière marin de Quelmer à Saint-Malo. Des épaves de bateaux enlisées en bord de Rance le long du GR34, soumises à l’air et à l’eau et donc beaucoup plus fragiles que des épaves englouties. Ces bateaux du 20è siècle sont les témoins d’une histoire maritime, mais jusqu’à peu ils étaient considérée comme déchets et ils auraient pu être enlevés comme des pneus. Le projet contribue à la reconnaissance de leur caractère patrimonial.
Quelles sont les parties prenantes de celui-ci ?
C’est l’Adramar qui est en charge de l’étude et de la protection de ces bateaux. L’Adramar est une association d’archéologie maritime maître d’œuvre de recherches et de fouilles archéologiques, en France et à l’étranger. Elle a des liens étroits avec le Conseil culturel de Bretagne, qui soutient des campagnes dans le monde entier pour tracer les routes des marins bretons : une part du patrimoine régional est échoué en Bretagne, mais une part importante git au fond des mers du globe.
As-tu des retours sur les usages des bulles sonores de “Mémoires échouées” ?
« On est à bord », c’est le retour spontané des promeneurs qui s’arrêtent pour flasher et écouter un bateau. J’ai écrit une histoire fictive mais plausible pour chaque épave qui souligne ce que l’on voit encore de sa structure et ce que l’on sait de son histoire. Le regard prend une toute autre dimension. Sur les usages, ils sont ceux du site, ouvert aux randonneurs, aux Malouins, aux tagueurs. Avec une très grande amplitude horaire de consultation, la récup’ du runner à 9h, la promenade du chien à 20h… Et un pic de consultation l’après-midi de Noël !
Avec la webapp Musair, ces bulles sonores sont écoutables de n’importe où. D’après toi, y a t’il des personnes qui les écoutent comme des podcasts hors du sentier de randonnée GR 34 ?
Aujourd’hui, l’Office de tourisme de Saint-Malo concentre la communication sur le site même. Il est tellement poétique en soi qu’il vaut absolument le détour. Des évènements sont prévus sur place. Mais la web-app est autoporteuse, on voyage à distance… Et on redécouvre qu’un jour nous avons mis un premier pied sur un bateau (Président Raoult), qu’un jour un ouvrier a mis à l’eau son dernier canot (Koulmic). On dit ému comme un marin breton…
Note du rédacteur de Muzeodrome : toute mon enfance et mon adolescence, j’ai vécu du coté de la rade de Lorient. Cette partie du Morbihan est aussi une zone habitée par de nombreuses épaves. Je me souviens ainsi d’avoir assisté dans les années 1980, lors du festival de théâtre en plein air du Pont du Bonhomme, à une prenante représentation du Roi Lear de William Shakespeare avec en fond le cimetière de bateaux de Kerhervy à Lanester qui plongeait progressivement dans la nuit.
{ Article publié dans le n°141 de l’infolettre Muzeodrome - le 31 janvier 2024 }