Les années 1980 ont été une phase décisive du basculement de l’analogique vers l’informatique. Au début de ces années là, sont apparus les premiers éditeurs de jeux vidéo Français dont la société Cobra Soft.

En 1987, Cobra Soft produit Meurtres en sĂ©rie, le troisième jeu de sa sĂ©rie “Meurtre…”. Un jeu d’enquĂŞte qui a marquĂ© les esprits avec son gameplay original ainsi que sa vĂ©ritable boĂ®te en bois qui contenait un ensemble d’indices physiques. C’Ă©tait aussi l’un des premiers jeux vidĂ©o Ă  avoir pour théâtre un lieu rĂ©el : l’Ă®le de Sercq.

En 1987, Laurent Gontier est un adolescent de 15 ou 16 ans. Il découvre l’existence du jeu dans la presse spécialisée mais il ne peux y jouer car l’éditeur ne développe pas de version du jeu pour son modèle d’ordinateur. Quelques années plus tard, il arrive enfin à pratiquer le jeu grâce à un émulateur. La démarche, l’ambiance et les thèmes du jeu le marquent et influencent probablement son futur parcours. En 2003, il rencontre Bertrand Brocard, le créateur de Meurtres en série, qui lui offre une des rares boîtes originales ayant survécue.

Devenu au fil des ans un auteur plurimédia (voir Muzeodrome n°27), Laurent Gontier est aujourd’hui un fin connaisseur des formes narratives, un cartographe et aussi un expert en création de “faux documents véritables”. Lauréat de la résidence numérique Simone et Cino Del Duca - Institut de France en 2023, il porte alors le projet d’effectuer le portage analogique du jeu Meurtres en série.

“Pendant plusieurs mois, je dĂ©monte les mĂ©canismes du jeu, embarque pour Sercq avec Bertrand Brocard pour raviver sa mĂ©moire et m’imprĂ©gner des lieux de l’intrigue. J’explore les archives de Cobra Soft au Conservatoire National du Jeu VidĂ©o Ă  Chalon-sur-SaĂ´ne Ă  la recherche des moindres secrets du processus de crĂ©ation.”
Laurent Gontier - décembre 2023

En décembre 2023, Laurent Gontier présente à la BNF sa version du jeu enfermée dans une authentique caisse de dynamite - une version jouable sans ordinateur. Face à la fragilité des numériques (supports, codes…), ce retour inattendu vers l’analogique est un signal, pour l’instant très faible mais qui sait…

“Comble de l’ironie et preuve supplémentaire de la volatilité des œuvres numériques et de la pertinence de cette expérience de matérialisation, Meurtres en série, fleuron du jeu vidéo français des années 1980, est absent du fonds SVM de la BNF, malgré les tentatives d’en dénicher un exemplaire. Il y sera désormais présent, en creux, grâce à ce portage analogique.”
Laurent Gontier - décembre 2023


{ Article publiĂ© dans le n°141 de l’infolettre Muzeodrome - le 31 janvier 2024 }