// Entretien avec Ernesto Timor //

Ernesto Timor a tâté de divers métiers de plume, de métal ou de verre avant de se stabiliser à peu près comme travailleur de l’image. Je l’ai croisé au tout début du 21è siècle alors que nous explorions tous les deux, chacun à notre façon, les multiples possibilités de la publication de contenus dans le Web. Aujourd’hui, Ernesto collabore en tant que photographe et graphiste avec diverses structures entre le socio et le culturel. Basé à Lyon et amateur de la bicyclette, il mène aussi ses propres projets polymorphes, plus souvent à l’ombre que dans la lumière.

Ernesto, tu indiques que ton travailprivilégie l’improvisation, la mécanique optique mise au service et au rythme du sujet, explorant un fil entre la distance respectueuse et le choix de bousculer".  Peux-tu nous en dire plus ? 

J’aime bien avancer à tâtons, en réinventant chaque fois un peu le même thème. Et puis l’optique est un beau dispositif à douter. Enfin la (bonne) distance, je travaille toujours au grand angle mais de moins près qu’avant. Sans bousculer, je tente un genre d’observation active…

Peux-tu prĂ©senter ton projet “Le point de vue de ma fenĂŞtre” ?
A t-il un lien avec les confinements provoqués par la COVID-19 ?
 

Dans un double mouvement, les gens s’offrent au jeu du portrait et m’invitent à regarder par-dessus leur épaule, leur vue de tous les jours, « Oh, c’est comme ça que tu vois les choses ? ». De face ou quasi de dos, très présents ou à la limite de l’effacement, il y a place pour autant de postures que de personnalités. Le covid est arrivé pile quand j’allais débuter le projet, a concrètement beaucoup compliqué les invitations chez les inconnus et même à une époque chez les amis, tout en donnant une résonance de plus à ces images, pouvant donner à certaines un faux air de témoignage de confinement.

Tu as exposĂ© ce projet Ă  Lyon et tu lui rĂ©serves un espace important dans ton site Web - comment s’articule la prĂ©sentation de celui-ci entre espaces physiques d’exposition et sa publication en ligne ? 

J’ai toujours aimé les deux types de labyrinthes, ceux de l’accrochage et ceux de la navigation à tiroirs. Dans une saga comme celle-ci (qui compte une soixantaine d’images) on peut montrer plein d’états différents sans trop se répéter. Je suis rarement dans un esprit de best of, plutôt dans une idée de renouveler l’expérience de la visite en fonction des contraintes du lieu, réel ou virtuel.

Tu as adjoint Ă  certaines photos de ce projet des tĂ©moignages sonores, qu’apportent-ils ? 

Je ne sais pas si je fais là du podcast augmenté ou de la photo qui parle, en tous cas ce bonus sonore allège l’objectif rarement atteint de sortir une image définitive qui dit tout. Cette humanité bavarde a pour moi l’attrait de la nouveauté mais rend aussi le projet plus accessible à ceux que rebuterait la muette contemplation…

Tu sembles Ă©chapper Ă  l’urgence provoquĂ©e par l’“âge numĂ©rique” ? A ce propos, as-tu des rĂ©flexions sur les images gĂ©nĂ©rĂ©es par des IA ? 

On ne fera jamais plus artificiellement intelligent que Un titre. Non ?

Un-e ou deux artistes qui t’inspirent aujourd’hui ? 

Ceux qui m’inspirent trafiquent plutôt du côté des mots - Olivier Cadiot s’il n’en faut qu’un. Les photographes trop doués me donnent plutôt envie de ne regarder qu’eux et de moi-même renoncer sagement à mon appareil… Allez un nom tout frais quand même, Kourtney Roy, souvent là où on ne l’attend pas, et jusqu’ici parfaite en tout ce qu’elle ose.


{ Article publiĂ© dans le n°135 de l’infolettre Muzeodrome - le 11 octobre 2023 }