// Entretien avec SĂ©bastien Appiotti //

Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication au CELSA - Sorbonne Université, Sébastien Appiotti s’intéresse notamment à la conception et la réception de dispositifs de médiation culturelle numérique, aux transformations des institutions culturelles et aux pratiques photographiques du quotidien. Nos routes se sont croisées plusieurs fois. Une des toutes premières, c’était en 2015 quand il m’a questionné pour son mémoire de master. En novembre 2022, Sébastien a publié un ouvrage autour d’une partie de ses recherches. J’ai souhaité lui poser quelques questions à ce sujet.

SĂ©bastien, quel est le propos de “Prendre des photos au musĂ©e ?”, ton ouvrage publiĂ© chez MkF Ă©ditions ?

Mon ouvrage répond à une question en apparence simple, mais hautement conflictuelle au sein du musée : pourquoi les publics photographient-ils et depuis quand ? Qu’est-ce qu’un « bon » comportement de visite et comment les pratiques photos au musée transforment les imaginaires de la visite et de la relation aux œuvres ? J’y réponds par une démarche compréhensive de terrain, en ayant passé plusieurs mois auprès des visiteurs dans les expositions (observations de leurs pratiques ; entretiens).

En France, les grandes “batailles” autour de la photo au musĂ©e datent de la moitiĂ© de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente (la charte “Tous photographes” du ministère de la Culture en 2014, les photos de Fleur Pellerin au musĂ©e d’Orsay en 2015). Quelle est la situation aujourd’hui ? Des choses ont-elles bougĂ© ?

La situation est en apparence beaucoup plus favorable pour les visiteurs photographes : rares sont aujourd’hui les musées à interdire totalement la pratique photo (cela peut être la volonté de certains artistes, comme David Hockney, ou de prêteurs privés ou publics). J’observe même certaines formes d’incitations au partage photographique sur les réseaux sociaux : cela peut avoir un intérêt dans des dynamiques de prescription à visiter tel musée, telle exposition, etc., même s’il ne faut pas réduire les photos des publics à leur seule valeur communicationnelle.

As-tu une idée des usages post-visites des praticiens de la photo au musée ?

Depuis près de 10 ans que j’enquête sur ce sujet, j’ai été frappé par la variété des usages post-visites de la photo au musée : documentation (photos d’œuvres et de cartels) ; médiation à des proches ; importance du souvenir ou de la carte postale ; intégration de ces images dans la sociabilité quotidienne des visiteurs. Matériellement, cela va des photos qui sont stockées sur un cloud, jusqu’à les imprimer pour faire des albums photo, voire des moments de projection où le visiteur peut se faire médiateur, par exemple pour des proches empêchés (EHPAD, hôpital, etc.)

Penses-tu que de nouveaux dispositifs de captation vont remplacer les smartphones dans les décennies à venir ?

Je ne vois pas de signe actuellement qui indiquerait un essoufflement de la pratique photo par smartphone au sein de la société. De nouveaux dispositifs, comme les lunettes connectées équipées de capteurs photo (proposées par Rayban-Meta ou Snapchat) font pour le moment un flop. Peut-être que le transhumanisme permettra aux visiteurs de photographier directement avec leurs yeux : mais est-ce un futur éthiquement souhaitable ?

Une ressource peu connue Ă  recommander aux lectrices et lecteurs de Muzeodrome ?

Les parutions récentes de MkF éditions en muséologie, qui renouvellent en profondeur le regard que plusieurs chercheurs portent sur le musée, ses collections et ses publics !

Quelques mois avant cet entretien, ma route et celle de Sébastien s’étaient à nouveau croisées. Le 9 juin 2023, lors de l’édition 2023 du Festival de la Muséologie, nous étions les deux intervenants de la table ronde “Le numérique au musée“ modérée par Chang-Ming Peng - les podcasts des tables rondes de ce festival sont disponibles à l’écoute ici.


{ Article publiĂ© dans le n°135 de l’infolettre Muzeodrome - le 11 octobre 2023 }