En janvier 2021, dans le numĂ©ro 59 de l’infolettre, je posais la question suivante Ă  Michel Kouklia : “Imagines-tu que des expositions sur Mars soient possibles dans une centaine d’annĂ©e ?” > je vous laisse dĂ©couvrir sa rĂ©ponse.

Cette question est revenue Ă  ma mĂ©moire lorsque j’ai appris l’existence du Lunar Codex (Codex Lunaire). Ce projet, portĂ© par le physicien et auteur de science fiction Samuel Peralta, a pour objectif de dĂ©poser sur la surface de la lune un “musĂ©e numĂ©rique” composĂ© d’un grand nombre de numĂ©risations de crĂ©ations contemporaines rĂ©parties dans quatre capsules temporelles. Un projet bien avancĂ© car fin 2022, une des quatre collections du Lunar Codex a dĂ©jĂ  fait le tour de la lune avec la mission Artemis I de la NASA. De prochaines missions spatiales devraient dĂ©poser les autres collections du “musĂ©e numĂ©rique” sur la lune (prochain lancement prĂ©vu en novembre 2023).

Plusieurs aspects du projet sont particuliÚrement intéressants :

  • A cotĂ© de technologies numĂ©riques, la technologie d’archivage principale du projet Lunar Codex est analogique. Dans la continuitĂ© des microfiches d’archives, la NanoFiche serait aujourd’hui le support de stockage analogique le plus dense au monde (exemple : “Une NanoFiche peut stocker 150 000 pages de texte ou de photos sur une seule feuille de 21,6 x 30 cm” - source le site du Lunar Codex). ImpermĂ©ables Ă  la tempĂ©rature et Ă  l’humiditĂ©, les NanoFiches sont conçues pour prĂ©senter un facteur de dĂ©gradation proche de zĂ©ro. Objectif : durer plusieurs centaines de milliers d’annĂ©es, voire plus ! Les NanoFiches du projet Lunar Codex sont rondes et mesurent la taille d’une petite piĂšce de dix cents Ă©tats-unienne. Chacun de ces petits disques contient des centaines et des centaines de petites images carrĂ©es de 2k x 2k pixels en noir en blanc. Pour stocker une image couleur, trois vues combinables sont nĂ©cessaires (une par canal RVB - rouge, vert, bleue). Des musiques sont aussi archivĂ©es : sous forme de partition, de fichiers MIDI codĂ©s en hexadĂ©cimal, ou d’images (ondes ou dĂ©compositions spectrales).

  • En ces temps de privatisation / colonisation de l’espace, l’objectif du projet Lunar Codex est profondĂ©ment humaniste. Samuel Peralta a dĂ©clarĂ© au New York Times dans un article publiĂ© le 27 juillet 2023 qu’il considĂšre ce projet : « comme une “bouteille Ă  la mer” pour l’avenir - qu’en cette pĂ©riode de guerre, de pandĂ©mie et de bouleversement Ă©conomique, les gens trouvaient encore le temps de crĂ©er de la beautĂ© ».

  • Le projet Lunar Codex a optĂ© pour une dĂ©marche ouverte, totalement opposĂ©e Ă  celle Moon Museum. DĂ©posĂ© sur la lune en 1969 par Apollo XII, le Moon Museum se compose d’une micro-plaque de cĂ©ramique prĂ©sentant un nombre trĂšs limitĂ© d’Ɠuvres graphiques d’artistes reconnus - tous masculins
 De son cotĂ©, le Lunar Codex a sĂ©lectionnĂ© suite Ă  un appel une grande diversitĂ© d’artistes (plus de 30·000 de 158 pays) et de productions (textes, musiques, peintures, sons, vidĂ©os
) - voir les listes des Ɠuvres sur le site web du projet : lunarcodex.com

« Il est normal que, parallĂšlement Ă  Artemis – un programme visant Ă  faire atterrir la premiĂšre femme sur la Lune – le Lunar Codex soit le premier projet Ă  envoyer des Ɠuvres de femmes artistes sur la surface lunaire. »
Samuel Peralta (Lunar Codex - Story)



{ Article publiĂ© dans le n°133 de l’infolettre Muzeodrome - le 14 septembre 2023 }