“I don’t know where the artificial stops and the real starts.”
Andy Warhol (1928-1987)

Depuis mars 2022, NetFlix diffuse un documentaire en 6 épisodes qui s’appuie sur les journaux intimes qu’Andy Warhol avait composés après sa tentative d’assassinat par Valerie Solanas en 1968.

La particularité de ce documentaire dans sa version originale est l’utilisation d’une forme d’IA. Les extraits des journaux de Warhol ont d’abord été lu par l’acteur Bill Irwin. Ensuite, les enregistrements sonores du comédien ont été manipulés par un programme de la société Resemble AI pour imiter les cadences et les inflexions particulières de la voix de Warhol (vous pouvez en écouter un extrait ici).

Le documentaire ne cherche d’ailleurs pas à mentir à ses spectateurs, il indique clairement quel processus technologique a été utilisé pour faire parler les journaux intimes de l’artiste. La voix plate et presque robotique que Warhol avait construite comme trait de sa personnalité se prêtait remarquablement à ce glissement de réalité.

Un article en anglais d’Angela Watercutter publié par le magazine Wired en mars 2022 revenait en détail sur la création de cette voix “regénérée”. Un article qui souligne aussi les problèmes éthiques que posent ce genre de démarche. Problèmes dont l’un des plus sensibles est probablement : faut-il obligatoirement passer à l’acte si une technologie le permet ou au contraire renoncer face aux dangers qui peuvent s’ouvrir en l’utilisant.

Un questionnement actuellement palpable au travers de la grève des acteurs états-uniens à Hollywood dont un des motifs est leur potentiel “remplacement par machines”. Les grosses compagnies de l’industrie cinématographique souhaitant poursuivre une idée proche de certains scénarios dystopiques. Des acteurs, dans un premier temps des figurants, seraient payés une seule fois pour des scans de leur corps ou de leur voix - ces scans servant de sources à des avatars qui pourraient être utilisés autant de fois et aussi longtemps que ces compagnies le souhaiteraient dans des films, des séries, etc. Ici comme dans d’autres secteurs, il est plus question de précarisation que de remplacement.


{ Article publié dans le n°130 de l’infolettre Muzeodrome - le 26 juillet 2023 }