// Entretien avec Gerald Holubowicz //

Dans The Innevitable en 2016, Kevin Kelly prédisait que dans l’avenir les IA, devenues fiables et bon marchés, seraient derrière tout. Toutefois, d’autres observateurs des évolutions technologiques restent plus en retrait et affirment que “la plupart des promesses faites ne se produiront pas”. Alors que les IA génératives sont dans toutes les conversations, j’ai souhaité interroger Gerald Holubowicz, veilleur des médias synthétiques.

Bonjour Gerald, peux-tu te présenter et nous indiquer comment se manifeste ton intérêt pour ce que l’on appelle communément les IA génératives ? 

Photojournaliste entre 2000 et 2010, j’ai travaillé pour des agences de presse en France et aux États-Unis. Passionné d’images et d’innovation, j’ai ensuite exploré le webdocumentaire et la narration transmedia avant de devenir chef de produit dans la presse. Aujourd’hui, en tant que consultant média spécialisé dans l’innovation éditoriale et l’IA dans l’information et la création de contenus, j’aide les entreprises à comprendre les enjeux et à se positionner sur ce sujet. Depuis 2017, je documente l’essor des deepfakes et plus récemment des IA génératives sur journalism.design et dans ma newsletter SYNTH. Un podcast intitulé “IMAGINAIRES” est aussi prévu pour septembre.

Si tu devais effectuer un court résumé de tes observations actuelles sur ce sujet, que dirais-tu ?

Le sujet représente un enjeu économique crucial pour la tech mondiale, offrant un nouvel élan à des startups en quête de croissance. Cependant, cela peut mener à des excès, comme l’appropriation non consentie de données et des fantasmes sur l’IA générale. Les IA génératives, bien qu’utiles pour améliorer la qualité du travail, pourraient attirer les entreprises pour leur gain de productivité, avec des conséquences potentiellement négatives pour les employés et la qualité du service. Prudence est donc de mise.

Du coté des musées, des expérimentations sont en cours. As-tu eu connaissance de celles-ci ou as-tu des avertissements à donner au musée ?

J’ai eu l’occasion de croiser la fondatrice de Ask Mona qui me semble fournir un service intéressant. En termes d’avertissement, il est consistant avec toutes les industries qui demandent une forme de rigueur ou d’exactitude des informations: faites attention aux erreurs des IA génératives qui inventent parfois des contenus de toute pièce.  

Selon-toi, les futurs co-pilotés par IA ont-ils plus de chance d’ouvrir nos imaginaires ou au contraire de renforcer nos biais, nos addictions et nos peurs ?

Il s’agit pour moi d’évaluer la somme des effets positifs et négatifs de la technologie pour en estimer sa pertinence pour nos sociétés. Pour le moment, les effets dans le réel des IA génératives penchent plutôt en défaveur de leur large adoption. Discriminations, invisibilisation des minorités, travailleurs exploités, données piratées sans consentement, pornographie et pédopornographie, problèmes de cybersécurité. Ce sont les véritables défis éthiques de l’IA pour l’occident et je ne vois aucun effort pour les adresser à leur juste mesure. 

Note : sur les fantasmes de l’IA générale, direction le n°125 de l’infolettre titré “Désolée d’avoir tué l’essentiel de l’humanité“ - et sur les deepfakes, direction le n°111 de l’infolettre titré “Le monde trouble des visages changeants“.


{ Entretien publié dans le n°130 de l’infolettre Muzeodrome - le 26 juillet 2023 }