A la fin de l’étĂ© 2022, Muzeodrome publiait un numĂ©ro double autour de la dĂ©signeuse Susan Kare et du Macintosh Original dĂ©voilĂ© en 1984. Dans la seconde partie de celui-ci figurait cette citation :

”Il vaut mieux ĂȘtre un pirate que de s’engager dans la marine”
Steve Jobs - 1983

En 1983, Steve jobs se percevait peut-ĂȘtre toujours comme un pirate dans le sillage du premier produit qu’il avait construit avec Steve Wozniak quelques annĂ©es avant la crĂ©ation d’Apple Computer, Inc.

“Nous sommes donc assis dans une cabine tĂ©lĂ©phonique et nous avons essayĂ© de passer un appel avec la Blue Box
 Une voiture de flics s’est arrĂȘtĂ©e. Steve tremblait, vous savez, et il a placĂ© la boĂźte bleue dans ma poche… Il me l’a donnĂ© parce que le flic s’est retournĂ© pour regarder dans les buissons s’il y avait de la drogue ou quelque chose comme ça, vous voyez ? J’ai donc mis la boĂźte dans ma poche. Le flic m’a fouillĂ© et m’a dit : “Qu’est-ce que c’est ?” J’ai rĂ©pondu : “C’est un synthĂ©tiseur de musique Ă©lectronique”
 Le deuxiĂšme flic a dit : “À quoi sert le bouton orange ?”. Steve a rĂ©pondu “C’est pour l’Ă©talonnage”.”
- Steve Wozniak, lors d’une confĂ©rence au Computer History Museum (Mountain View, Californie, États-Unis) en 2002

A l’Ăąge de 13 ans, Steve Wozniak construit son premier ordinateur et est Ă©lu prĂ©sident du club d’Ă©lectronique de son Ă©cole. A 19 ans, il rencontre le jeune Steve Jobs alors ĂągĂ© de 14 ans. Les deux adolescents passionnĂ©s construisent et commercialisent en 1972 une Blue Box, un boĂźtier Ă©lectronique qui permet de pirater le rĂ©seau tĂ©lĂ©phonique pour passer des appels gratuits Ă  longue distance. (Cette activĂ© le plus souvent frauduleuse est nommĂ©e phreaking en anglais).

Pour Steve Wozniak, la rĂ©alisation de ce dispositif Ă©tait une occasion d’effectuer une prouesse technologique et de s’amuser. On raconte qu’il aurait utilisĂ© le boĂźtier pour contacter le Pape au Vatican en se faisant passer pour le secrĂ©taire d’État Ă©tats-unien Henry Kissinger (voir muzeodrome n°36).

Pour Steve Jobs, la rĂ©alisation de ce dispositif Ă©tait l’occasion de dĂ©velopper et de lancer sĂ©rieusement une premiĂšre production. Production qui sera Ă  l’origine de toutes les autres : de l’Apple I Ă  l’iPhone en passant par le Macintosh (voir cette vidĂ©o).

Les deux Steve n’étaient pas les seuls Ă  construire ce type de boĂźtier (on peut citer les Black Boxes dont celle de William Claxton). Les Blues Box des deux Steves ont Ă©tĂ© fabriquĂ©es Ă  une quarantaine d’exemplaires d’aprĂšs Wozniak et vendues Ă  une centaine d’exemplaire d’aprĂšs Jobs ! Un petit nombre de ces exemplaires font aujourd’hui partie de collections de musĂ©es, principalement Ă©tats-uniens, dont le Henry Ford Museum of American Innovation. Ces acquisitions entrainent la question : combien d’objets et documents liĂ©s Ă  la piraterie informatique figurent dans les collections des musĂ©es ? En tout cas, une Blue Box des deux Steve serait une piĂšce de choix dans une exposition consacrĂ©e Ă  l’histoire du piratage numĂ©rique - une exposition dont le titre pourrait-ĂȘtre “Pirater le Monde”.

Note 1 : En octobre 2019, Philippe Astor, journaliste indĂ©pendant spĂ©cialiste d’Internet et de l’industrie musicale, revenait en dĂ©tails dans son infolettre @music_zone sur la mise au point de le Blue Box par les deux Steve.

Note 2 : c’est une fausse annonce publiĂ©e le 8 juillet 2023 par le Museum Of Portable Sound qui m’a donnĂ©e envie de revenir sur la Blue Box que j‘avais dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e dans Muzeodrome.


{ Article publiĂ© dans le n°129 de l’infolettre Muzeodrome - le 12 juillet 2023 }