Du 28 février au 16 juillet 2023, le Getty Research Institute (GRI) présente The Way to Be, une exposition rétrospective de Barbara T. Smith. Depuis les années 1960, cette artiste est à l’avant-garde des mouvements artistiques en Californie. Dans son travail souvent radical, l’utilisation du photocopieur est fascinante.

Dans son article sur les audacieuses artistes pionnières du photocopieur (des années 1960 aux années 1980), la chercheuse du GRI Zanna Gilbert donne une explication possible du choix pour cette machine par plusieurs artistes femmes.

“La copieuse était fortement identifiée aux rôles sexospécifiques des femmes en tant que secrétaires et employées de bureau - il y avait même des publicités extrêmement condescendantes dans les magazines et à la télévision montrant que “même une femme” pouvait faire fonctionner ces machines - et les artistes ont peut-être été poussés à défier cette représentation.”
Zanna Gilbert

En 1966, Barbara T. Smith a eu la déconvenue de ne pouvoir rejoindre un atelier de gravure, parce qu’elle n’était pas assez connue. L’artiste s’est alors questionnée sur l’appareil moderne qui pourrait produire des estampes. Elle raconte dans son autobiographie, qu’elle a loué un Xerox 914, un des premiers copieurs accessible au grand public (qui pesait tout de même 295 kilos). Copieur qu’elle a installé dans sa salle à manger. Fascinée par la machine qui pouvait “reproduire n’importe quoi“, l’artiste a expérimenté tout azimut :

“Elle a commencé à tout photocopier, des figurines aux aliments de base comme le riz et la farine. Elle a fait fonctionner la machine après avoir écrit du rouge à lèvres sur le verre. Les efforts pour convaincre son mari de créer des Xerox érotiques ont échoué, alors elle a copié son propre corps… Tout était au nom de l’expérimentation.”
Erin Migdol - rédactrice en chef associée du Getty - dans l’article “The Xerox Machine in the Dining Room

Barbara T. Smith était alors totalement prise dans sa relation créative avec la machine. Utilisé intensivement, son copieur avait d’ailleurs manqué plusieurs fois de prendre feu.

Après près de neuf mois avec le vrombissement quotidien de la machine Xerox et des piles de papier, Smith a dit à son mari qu’elle ne savait pas comment s’arrêter. Il lui a suggéré d’appeler la société Xerox et de lui demander d’emporter la machine.
Erin Migdol

Son expérience Xerox terminée, Barbara T. Smith a rassemblé les multiples pages produites par ses expérimentations dans des livres qu’elle a elle même relié. Des livres qui pour elle sont “à la fois des cercueils et des monuments commémoratifs”. En 1968, elle et son mari ont divorcé…

“Smith était très prémonitoire en reconnaissant qu’il ne s’agissait pas seulement d’une nouvelle façon de reproduire des images, mais d’une nouvelle façon de voir.”
Zanna Gilbert

Barbara T. Smith a été l’une des premières personnes à utiliser un photocopieur pour créer des œuvres d’art. D’autres femmes ont ensuite expérimenté avec ces machines pour produire un art visuel qui était “souvent d’un autre monde”, comme l’indique la chercheuse Zanna Gilbert.

Née en 1931 à Pasadena (Californie, États-Unis), Barbara T. Smith fêtera son 92ème anniversaire au Getty center le 8 juillet 2023.


{ Article publié dans le n°127 de l’infolettre Muzeodrome - le 12 juin 2023 }