/ Entretien avec Ludovic Borie, visiteur l’exposition ‘Prière de toucher’ au Palais des Beaux-Arts de Lille. /

Le 11 novembre 2022, Ludovic Borie publie ce message :

Je voulais aller à l’expo “Prière de toucher” au Palais des Beaux-Arts de Lille, c’est maintenant chose faite ! Expérience rigolote, on nous permet de découvrir des sculptures les yeux bandés. L’effort pour l’esprit est considérable !
Je me dis qu’au travail on devrait se sensibiliser à l’accessibilité de la même manière…

Déjà présentée dans plusieurs villes, l’expérience sensorielle “Prière de toucher, l’art et la matière” est le “reflet d’une démarche collective et itinérante dans six musées régionaux français membres du réseau FRAME Cette initiative a été conçue initialement en partenariat avec le musée du Louvre par les équipes du musée Fabre, accompagnées dès l’origine du projet par des personnes non et malvoyant·e·s.” (Présentation du Palais des Beaux-Arts de Lille).

Je ne connaissais pas Ludovic Borie auparavant, mais sa publication m’a interpellé. J’ai donc décidé de le contacter pour l’interviewer**.**

Bonjour Ludovic, merci d’avoir accepté de répondre à mes questions, pourriez-vous vous présentez ?

Je m’appelle Ludovic, 37 ans, développeur informatique, marié et papa d’une petite fille de 5 ans.  

Comment avez-vous découvert l’exposition “Prière de toucher, l’art et la matière” au Palais des Beaux-Arts de Lille ?

On en a discuté plusieurs fois avec mon épouse après avoir vu les affiches en ville, et le concept nous a tout de suite interpellé.  

Quel était auparavant votre rapport avec les #NePas, interdictions présentes dans les musées, particulièrement celle de toucher ?

J’ai un rapport particulier aux musées. Je suis intimidé, j’ai toujours trouvé un côté très solennel, voir effrayant dans une visite. Déjà, parce que je ressens toujours une certaine honte devant l’ampleur des sujets que je ne maitrise pas. Ensuite parce qu’il y a toujours une distance même physique entre le visiteur et les œuvres. La petite barrière par terre qui empêche de s’approcher, les gardiens assis dans un coin de toutes les salles pour surveiller, le silence religieux qui empêche d’en discuter… Pas de photo, pas de flash, il ne faudrait pas abimer l’œuvre même avec de la lumière… Alors franchement, toucher, ça ne me serait pas venue à l’idée.  

Comment avez-vous appréhendé et vécu l’expérience ?

Nous y sommes allés en familles, avec mon épouse et ma fille, mais aussi ma mère. On s’est dit que c’était l’occasion de vivre un moment ludique dans un musée avec une enfant de 5 ans ! En arrivant ma première pensée a été liée au COVID. « Il est propre le bandeau pour les yeux ? Et les œuvres, on les touche vraiment toutes et tous sans nettoyage ? » Et puis j’ai vu le gel, obligatoire, ainsi que la petite note à propos de la propreté. Allons y. J’ai guidé ma mère avec les yeux bandés à différentes œuvres, on a joué à découvrir les matières ou les formes, pendant que ma fille guidait sa maman avec joie. On a pu inverser les rôles, et on a eu du mal à faire quitter l’endroit à notre fille qui s’est vraiment prêtée au jeu. La suite de la visite a été plus classique dans la galerie des sculptures. Mais la découverte des matières, du marbre, du bronze, de la pierre, a donné une dimension beaucoup plus ludique à la visite.  

Avez-vous ensuite recommandé l’exposition et pourquoi ?

J’en ai parlé sur les réseaux sociaux principalement à cause de mon métier : l’expérience du musée les yeux bandés m’a interpellé sur l’accès des personnes en situation de handicap à la culture. Et étant développeur, je me suis trouvé bien égoïste à trop peu penser à l’accessibilité de mes propres créations numériques. J’en retiendrai ces deux points :
- Amenez y vos enfants pour qu’ils voient qu’un musée n’est pas un endroit avec un fossé entre eux et les œuvres
- Je ferai preuve de plus d’empathie. La vue n’est pas le seul sens pour appréhender la culture, et par extension le monde qui nous entoure.

/Merci Emeline Parizel pour m’avoir gentiment signalé la publication de Ludovic Borie dans Mastodon.


{ Entretien publié dans le n°119 de l’infolettre Muzeodrome - le 20 novembre 2022 }