Nous produisons trop de dĂ©chets ! En fĂ©vrier 2021, un article du Figaro titrait “500 kilos de dĂ©chets gĂ©nĂ©rĂ©s par an et par personne en Europe”. Cet article basĂ© sur les donnĂ©es d’Eurostat 2019 montrait au travers d’une infographie qu’il y avait aussi souvent un lien entre le nombre de kilogrammes de dĂ©chets et le PIB par habitant (particuliĂšrement pour les 3 pays avec un PIB par habitant supĂ©rieur Ă  62·000 euros > Suisse, NorvĂšge & Luxembourg). Autre point intĂ©ressant, la Belgique qui disposait d’un PIB par habitant supĂ©rieur Ă  la France en 2019 produisait par habitant moins de dĂ©chets que celle-ci (Belgique, PIB : 35 940 euros, 416 kg - France, PIB : 33 270 euros, 546kg).

Dans ces chiffres ne sont considĂ©rĂ©s que les dĂ©chets des habitants mais pas ceux globaux de la production humaine pour un pays (industrie, construction
). Le site notre-environnement.gouv.fr du commissariat gĂ©nĂ©ral au dĂ©veloppement durable du gouvernement français donne Ă  la question “Combien de dĂ©chets produisons-nous par an ?”, la rĂ©ponse suivante : “En 2018, 343 millions de tonnes de dĂ©chets ont Ă©tĂ© produites, soit une augmentation de 6,4 % par rapport Ă  2016. Avec 5,1 tonnes par habitant en 2018, la France se situe dans la moyenne europĂ©enne. Le secteur de la construction est Ă  l’origine de 70 % des dĂ©chets, les mĂ©nages en produisent 9 %.“. C’est vraiment beaucoup, d’autant plus que l’on peine encore Ă  recycler une grande proportions de nos dĂ©chets (voir les donnĂ©es Eurostat Waste sur les taux de recyclage des dĂ©chets d’emballage).

Quel rapport entre les dĂ©chets et les musĂ©es me direz-vous ? La nouvelle dĂ©finition du musĂ©e de l’ICOM, adoptĂ©e Ă  Prague en aoĂ»t 2022, souligne que les musĂ©es doivent encourager la durabilitĂ©. Donc, les musĂ©es devraient se pencher sur la question des dĂ©chets et des rejets (parfois invisibles ou non identifiĂ©s).

PrĂ©sentĂ©e du 14 septembre 2022 au 8 janvier 2023 au musĂ©e Tinguely de BĂąle (Suisse), la fascinante exposition collective “Territories of Waste - Le retour du rejetĂ©â€ est consacrĂ©e Ă  cette thĂ©matique (Commissaire de l’exposition : Dr. Sandra Beate Reimann). Dans la prĂ©sentation de l’exposition, le musĂ©e rappelle que :

“DĂšs les annĂ©es 1960, les artistes du Nouveau RĂ©alisme et du Junk Art (dont Jean Tinguely) ont recouru aux rebuts et Ă  la ferraille pour reflĂ©ter Ă  travers leurs Ɠuvres le passage socio-Ă©conomique fondamental de la pĂ©nurie Ă  une sociĂ©tĂ© de consommation et du tout-jetable. Alors que les monceaux de dĂ©chets provenant de dĂ©charges dĂ©bordantes, et nĂ©gligemment abandonnĂ©s dans la nature, sont devenus partout visibles dans les annĂ©es 1960, ils sont aujourd’hui pour l’essentiel invisibles dans les rĂ©gions occidentales du monde globalisĂ©.” (musĂ©e Tinguely)

Si nous ne voyons plus les dĂ©chets et les rebuts, ce n’est pas parce qu’ils ont disparus.

“TriĂ©, transportĂ©, incinĂ©rĂ©, traitĂ©, compostĂ©, recyclĂ©, dĂ©posĂ© dans des mines et exportĂ©, le rebut n’a pas disparu, mais il n’est plus là
.
Les pratiques artistiques et discours contemporains interrogent les conditions Ă©cologiques, gĂ©ologiques et mondiales dissimulĂ©es et rĂ©primĂ©es de notre consommation.” (musĂ©e Tinguely)

L’exposition est accompagnĂ©e d’un catalogue que vous pouvez acheter en version papier ou tĂ©lĂ©charger gratuitement en version numĂ©rique.

Et si vous n’envisagez pas de vous rendre Ă  BĂąle dans les prochains mois, TWIST a fait le voyage pour vous. Émission culturelle hebdomadaire d’Arte, TWIST “se confronte Ă  toutes les formes d’art pour susciter le dĂ©bat et sortir des sentiers battus”. Chaque Ă©mission de TWIST se dĂ©roule dans une mĂ©tropole europĂ©enne autour d’une question liĂ©e Ă  l’actualitĂ©. Celle du 23 octobre 2022 conduite par la journaliste indĂ©pendante Romy Straßenburg se dĂ©roulait Ă  BĂąle et son thĂšme Ă©tait “Quand les dĂ©chets entrent au musĂ©e”.

L’émission dĂ©bute dans l’exposition Territories of Waste, puis va Ă  la rencontre de 3 artistes : Otobong Nkanga (artiste nigĂ©riane vivant Ă  Anvers qui a effectuĂ© un travail autour de l’effroyable mine de Tsumeb), Diana Lelonek (artiste polonaise qui collecte des objets abandonnĂ©s dans la nature, objets oĂč se sont installĂ©es des formes de vie vĂ©gĂ©tale) et Rafael Kouto (styliste Suisse qui crĂ©e des piĂšces Ă  partir de vĂȘtements et d’élĂ©ments mis au rebut). Puis, Romy Straßenburg suit le parcours audio-guidĂ© “Times of Waste” qui emmĂšne ses auditeurs sur les traces des dĂ©chets du port de BĂąle. Enfin, elle termine son voyage par une discussion avec deux militants du collectif Countdown 2030. Ce collectif, qui lutte contre processus extrĂȘmement polluant qu’est la dĂ©molition de bĂątiments, a Ă©tĂ© Ă  l’initiative de l’exposition “Die Schweiz: Der Abriss” (La Suisse : la dĂ©molition), prĂ©sentĂ©e au MusĂ©e suisse d’architecture du 3 septembre au 23 octobre 2022.

Bref, vous l’avez compris Muzeodrome vous recommande chaudement de visionner ce numĂ©ro de TWIST (visible sur le site web d’Arte jusqu’au 22 octobre 2023). Et si vous en voulez plus, le TWIST du 2 octobre 2022 toujours prĂ©sentĂ©e par Romy Straßenburg se dĂ©roulait Ă  Zagreb et avait pour sujet ‘“Attention fragile : l’art dans un monde prĂ©caire”.


{ Article publiĂ© dans le n°117 de l’infolettre Muzeodrome - le 30 octobre 2022 }