“[Andy Hertzfeld] m’a dit que l’on avait besoin d’un artiste pour crĂ©er des caractĂšres et des symboles pour l’Ă©cran d’un nouveau type d’ordinateur, et que je pouvais me faire une idĂ©e du mĂ©tier en coloriant des carrĂ©s sur du papier quadrillĂ©. J’Ă©tais trĂšs excitĂ©e, car cela semblait incroyablement intĂ©ressant, et une nouvelle frontiĂšre de conception - et j’Ă©tais un bon exemple du type de novice en informatique qui Ă©tait le client cible.”
Susan Kare dans un entretien avec Tim Slavin pour Beanz magazine (décembre 2020)

Quand fin 1982, Susan Kare commence Ă  travailler pour le projet Macintosh, le logiciel pour crĂ©er ses icĂŽnes n’est pas encore prĂȘt. Elle dessine ses idĂ©es sur les pages d’un cahier quadrillĂ© en remplissant les cases avec des crayons ou des feutres. Pendant ce temps, les ingĂ©nieurs logiciels d’Apple travaille Ă  l’élaboration d’outils pour transfĂ©rer ce travail analogique dans l’ordinateur.

Quelques mois avant l’arrivĂ©e de Kare chez Apple, pour tester et montrer les fonctionnalitĂ©s de sa bibliothĂšque graphique qui est Ă  la base de l’interface utilisateur de l’Apple LISA, Bill Atkinson crĂ©e un petit programme de dessin bitmap SketchPad (ou LisaSketch). Sur la LISA, il existe dĂ©jĂ  un programme de dessin Ă  la souris mais celui-ci est orientĂ© vers la crĂ©ation graphique vectorielle (LisaDraw de Mark Cutter). Atkinson pense que pour le Macintosh, il est nĂ©cessaire d’élaborer quelque chose de beaucoup plus simple et amusant Ă  utiliser. Au dĂ©but de l’annĂ©e 1983, Il adapte le code de SketchPad et lui donne pour nom MacSketch (le programme sera ensuite renommer MacPaint).

“SketchPad utilisait des menus pour sĂ©lectionner les motifs et les styles Ă  dessiner, mais Bill les a remplacĂ©s par des palettes permanentes en bas de l’Ă©cran et a ajoutĂ© une autre grande palette bien visible sur la gauche, contenant une variĂ©tĂ© d’outils de dessin. D’autres outils seront ajoutĂ©s au fil du temps, mais la structure de base de MacPaint Ă©tait prĂ©sente dĂšs les premiĂšres Ă©tapes.”
Andy Hertzfeld dans son site “Folklore” (MacPaint Evolution)

IntĂ©grĂ©e Ă  l’équipe logicielle de l’équipe Mac, Susan Kare expĂ©rimente beaucoup, elle est la testeuse de l’équipe. Comme SketchPad Ă  l’époque du LISA, MacPaint permet de tester et valider les fonctions de QuickDraw, la bibliothĂšque graphique du Mac dĂ©veloppĂ©e par Hertzfeld et Atkinson. Atkinson observe souvent comme Susan Kare pratique le Mac pour amĂ©liorer son interface graphique - celui-ci a d’ailleurs indiquĂ© dans un entretien au Computer History Museum que Susan Kare devrait avoir le titre de co-conceptrice de MacPaint.

Bill Atkinson crĂ©e de nombreuses nouvelles fonctionnalitĂ©s pour MacPaint dont l’édition de pixels en mode “Fat Bits” ; une fonctionnalitĂ© qui permet d’activer une loupe logicielle qui prĂ©sente chaque pixel Ă  huit fois sa taille habituelle. En fĂ©vrier 1983, Andy Hertzfeld, s’inspire de ce mode pour dĂ©velopper un Ă©diteur d’icĂŽnes avec une grille de 32x32 pixels. Son fonctionnement initial est trĂšs simple ; un clic sur un pixel l’inverse (s’il est blanc il devient noir et vice versa). L’outil fourni aussi le code de l’icĂŽne pour que celle-ci soit directement codĂ©e dans un programme (voir cette impression conservĂ©e par le SF MoMA). C’est cet outil que va utiliser Susan Kare. Un jour, avec l’éditeur d’icĂŽne, elle dessine le portrait de Steve Jobs.

“Les icĂŽnes ne comptent que 32 pixels noirs ou blancs sur 32, soit 1024 points au total, et je ne pensais pas qu’il Ă©tait possible de rĂ©aliser un trĂšs bon portrait dans un espace aussi rĂ©duit, mais d’une maniĂšre ou d’une autre, Susan a rĂ©ussi Ă  crĂ©er une image immĂ©diatement reconnaissable, avec un sourire malicieux qui reflĂšte bien la personnalitĂ© de Steve. Tous ceux Ă  qui elle l’a montrĂ© l’ont aimĂ©, mĂȘme Steve lui-mĂȘme.”
Andy Hertzfeld dans son site “Folklore” (Steve Icon)

ImpressionnĂ© par l’icĂŽne de Steve Jobs, Bill Atkinson lui demande de rĂ©aliser son portrait. Celui-ci sera utilisĂ© pour les crĂ©dits de MacPaint.

”MalgrĂ© la limitation des pixels disponibles, Kare a trouvĂ© des moyens efficaces de fournir le maximum de signification visuelle ou mĂ©taphorique dans une minuscule zone d’espace, sans utiliser d’ombres ou de couleurs.”
Extrait d’un article publiĂ© dans le blog de The Henry Ford - Museum of American Innovation (Dearborn - Michigan - États-Unis)

Note nostalgique : Dans les années 80 et 90, nous étions beaucoup à utiliser du papier quadrillé pour élaborer les sprites de nos programmes - Que sont devenus toutes ses feuilles et ses cahiers quadrillés ?


{ Article publiĂ© dans le n°114b de l’infolettre Muzeodrome - le 6 septembre 2022 }