A la fois simple et charismatique, dĂ©tendue et souriante, Susan Kare est presque prĂ©sentĂ©e comme une star du rock indĂ©pendant dans l’emblĂ©matique sĂ©rie de photographies captĂ©e en 1983 & 1984 par Norman Seeff.

Lors du lancement du Macintosh en 1984, plusieurs membres de l’équipe finale du projet sont mis en avant. Susan Kare apparait dans une publicitĂ© tĂ©lĂ©visĂ©e complĂ©mentaire (au cotĂ© de Bill Atkinson) et dans une Ă©mission tĂ©lĂ©vision (Computer Chronicles). Dans celle-ci, elle fait la dĂ©monstration de la machine. Sa prĂ©sentation dĂ©tendue montre que l’ordinateur individuel vient de changer d’ùre. L’ordinateur n’est plus maintenant destinĂ© qu’aux informaticiens mais bien Ă  toutes et tous (”The computer for the rest of us” comme l’indiquait le slogan du lancement de la machine, mĂȘme si dans les faits le premier Macintosh n’était pas vraiment pour tout le monde avec son prix de vente relativement Ă©levĂ©).

En 1986, Susan Kare quitte Apple et rejoint alors la société NeXT pour suivre dans une nouvelle aventure Steve Jobs aprÚs la démission forcée de celui-ci (Pour mémoire : Tim Berners-Lee a codé le World Wide Web sur un ordinateur NeXT au CERN au tournant des années 90).

Depuis son travail chez Apple, Susan Kare a dessinĂ© des milliers d’icĂŽnes numĂ©riques pour beaucoup de sociĂ©tĂ©s (dont trois des cinq GAFAM). La reconnaissance de son apport est de plus en plus effective. Avec sa simplicitĂ© lĂ©gendaire, elle prĂ©sente son travail dans des confĂ©rences (je vous recommande celle qu’elle a effectuĂ© pour EG en mai 2014 - qui ne dure que 20 minutes). En 2011 est a publiĂ© un livre “Icons - Selected Work from 1983 - 2011”.

Son travail est aussi de plus en plus exposĂ© dans des musĂ©es. Celui pour Apple figure en bonne place dans la section “Silicon Valley” de l’exposition “Places of Invention” du Lemelson Center (centre logĂ© au sein du National Museum of American History du Smithsonian - Washington, D.C., États-Unis). La prĂ©sence de ses travaux dans l’exposition collective “This Is for Everyone: Design Experiments for the Common Good“ au MoMA (Museum of Modern Art, New York, États-Unis) en 2015/2016 a Ă©tĂ© particuliĂšrement remarquĂ©e.

“Nous avons Ă©galement acquis, conjointement avec nos collĂšgues du San Francisco Museum of Modern Art, les prĂ©cieuses archives de Susan Kare comprenant ses Ă©tudes prĂ©liminaires pour les icĂŽnes de l’interface utilisateur graphique qu’elle a crĂ©Ă©es pour Apple au dĂ©but des annĂ©es 1980. Son processus, dont une partie s’est dĂ©roulĂ©e quelques semaines seulement avant qu’elle ne soit officiellement engagĂ©e par Apple, est documentĂ© dans des carnets de croquis en papier quadrillĂ©. À l’aide d’une case Ă©gale Ă  un pixel, Kare a conçu des icĂŽnes intuitives pour diverses fonctions qu’un utilisateur d’ordinateur pourrait entreprendre (par exemple, une paire de ciseaux symbolisait la dĂ©coupe de texte). Les icĂŽnes sous forme de pictogrammes ont Ă©tĂ© conçues pour ĂȘtre un langage instinctif pouvant ĂȘtre compris et aimĂ© par des utilisateurs de nombreux pays diffĂ©rents.”
Extrait d’une publication de Paola Antonelli (conservatrice principale) et Michelle Millar Fisher (assistante de conservation) du dĂ©partement d’architecture et de design du MoMA (dans le blog du MoMA en 2015)

L’exposition rĂ©trospective “IcĂŽnes by Susan Kare“ au MusĂ©e de l’Imprimerie et de la Communication graphique de Lyon en 2022 marque un jalon. Il est fort probable que dans les annĂ©es Ă  venir ses travaux soient rĂ©guliĂšrement exposĂ©s et aussi plus questionnĂ©s.

Susan Kare a rendu amical l’ordinateur personnel et ses descendants. Peut-ĂȘtre un peu trop au vu de la capacitĂ© de ces appareils Ă  capter aujourd’hui notre attention. En 1982, un Ă©pisode de la quatriĂšme saison de la sĂ©rie tĂ©lĂ©visĂ©e Ă©tats-unienne Taxi montrait dĂ©jĂ  qu’au delĂ  de son cotĂ© convivial le jeu d’arcade PacMan Ă©tait aussi “trĂšs addictif” (Je vous laisse dĂ©couvrir des extraits savoureux de cet Ă©pisode avec Danny DeVito et Christopher Lloyd). Quand on Ă©voque Susan Kare, on ajoute souvent quelle est “la femme qui a donnĂ© un sourire au Macintosh” en reprenant le titre de l’article d’Alexandra Lange publiĂ© en avril 2018 dans The New Yorker. Un article qui se terminait par la phrase suivante : “Elle a donnĂ© un sourire au Mac — OĂč est le sourire maintenant?” (“She gave the Mac a smile—where’s the smile now?”).


{ Article publiĂ© dans le n°114a de l’infolettre Muzeodrome - le 19 aoĂ»t 2022 }